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Interview

Reha Hutin : « Nous sommes aujourd'hui à un tournant décisif de notre combat »

Alors que la modification du statut juridique de l’animal dans le Code civil va à nouveau être étudiée par l’Assemblée nationale le 30 octobre prochain, Reha Hutin, Présidente de la Fondation 30 Millions d’Amis, revient sur trente ans de lutte acharnée pour faire progresser le droit des animaux.

Le bien-être animal est aujourd’hui au cœur du débat public et politique. Quel est votre sentiment, vous qui défendez cette cause depuis plus de trente ans ?

Reha Hutin : Je ne peux que me réjouir de ce mouvement, de grande ampleur, qui couronne des années de combat acharné pour améliorer le sort réservé aux animaux. Pendant longtemps, la question du bien-être animal n’a pas été prise au sérieux ; elle était fréquemment reléguée au second plan par nos élus qui considéraient que la cause animale n’était pas un enjeu sociétal majeur. A l’époque, on nous reprochait de nous désintéresser de l’humain, et j’étais régulièrement accueillie par des moqueries lors de mes interventions. Certains ont même mimé des aboiements et des miaulements lorsque je prenais la parole ! Les mentalités ont changé, et c’est là l’essentiel. Comme le disait le philosophe John Stuart Mill, « tout grand mouvement doit faire l’expérience de trois étapes : le ridicule, la discussion, l’adoption ». Les deux premières sont franchies, le temps est venu de la troisième.

Aujourd’hui, les intellectuels se penchent également sur cette question cruciale. Comment expliquez-vous ce ralliement ?

Reha Hutin : Il y a tout juste un an, 24 penseurs, écrivains, philosophes, scientifiques et historiens comme Élisabeth de Fontenay, Matthieu Ricard, Frédéric Lenoir, Michel Onfray, Edgar Morin ou Hubert Reeves ont cosigné, sous l’égide de la Fondation 30 Millions d’Amis, un texte demandant que le Code civil français reconnaisse les animaux comme des êtres vivants et sensibles. Aujourd’hui, de nombreuses autres personnalités, à l’instar de Franz-Olivier Giesbert, s’emparent de cette question. C’est un mouvement formidable ! Nous sommes aujourd'hui à un tournant décisif de ce combat. 

Dans le Code civil, l’animal est considéré comme un bien-meuble…

Reha Hutin : Au moment de sa rédaction en 1804, le Code civil était le reflet d’une société où l’animal ne bénéficiait pas de la même attention que celle que nous lui portons aujourd’hui. A l’époque, dans une France essentiellement rurale, les animaux étaient considérés sous l’angle utilitaire, comme une force agricole. Nous ne pouvons plus nous satisfaire des dispositions obsolètes de ce texte, qui ne sont finalement que la transposition en droit de la théorie de l’animal-machine de René Descartes. Sans compter que le Code civil accuse aussi un décalage avec d’autres textes du droit français comme le Code rural ou le Code pénal qui eux, reconnaissent bien les animaux comme des êtres sensibles. Il est plus que temps d’harmoniser notre droit et de mettre fin à une incohérence qui rend la protection des animaux imparfaite et empêche la justice de s’appliquer pleinement lorsque cela est nécessaire.

Sur ce thème, votre action contribue à faire évoluer la législation.

Reha Hutin : La pédagogie dispensée depuis de longues années par les défenseurs des animaux a porté ses fruits. Un sondage* montre que 9 Français sur 10 soutiennent notre réforme et nous avons réuni, via une pétition lancée sur notre site, plus de 750 000 signatures. Autant de voix plus que favorables à cette évolution législative, légitimée par une demande sociétale très forte. L’évolution des connaissances scientifiques a prouvé l’aptitude des animaux à ressentir des sentiments, des émotions, de la peur, de la douleur, de la souffrance... Le Code civil doit reconnaître cet état de fait.

Quelle est la prochaine étape de ce combat ?

Reha Hutin : La Fondation a longuement travaillé aux côtés d’experts du droit - des théoriciens mais aussi des praticiens - sur les contours exacts d’une réforme du statut de l’animal à soumettre aux législateurs. Le 30 octobre prochain, l’amendement porté par M. Jean Glavany sera étudié en séance publique à l’Assemblée nationale. Malgré la mobilisation de nos opposants, en dépit de la pugnacité de nos détracteurs, je défendrai corps et âme cette réforme qui représente une avancée considérable pour les animaux.

Lire le Manifeste des 24 intellectuels

Signer la pétition pour un nouveau statut juridique de l'animal

Photo © : Christian Malette

*Sondage IFOP pour la Fondation 30 Millions d’Amis réalisée du 29 au 31 octobre 2013 auprès d’un échantillon de 1004 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Méthode des quotas.

Commenter

  1. launiko 10/02/2015 à 22:17:36

    MERCI BEAUCOUP à la directrice de 30 millions d'amis! graçe à vous les animaux on une chance de vivre heureux dans ce monde de brutes!