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Débat

Deux naissances de dauphins en captivité qui posent question

La détention et la reproduction de cétacés en delphinarium sera interdite à compter de 2027. © Adobestock.

Au début du mois de février 2023, le parc zoologique « Planète sauvage » (44) a annoncé la naissance de deux bébés dauphins, issus de deux femelles détenues en captivité. La détention et la reproduction de cétacés sera interdite à compter de décembre 2026. 30millionsdamis.fr revient sur ces naissances qui interrogent.

Sisyphéen ! Cela semble être l’adjectif approprié pour parler du long combat contre la captivité des cétacés. Nouvelle illustration : la naissance deux de bébés dauphins (joyeusement) annoncées par le parc zoologique « Planète sauvage », en Loire-Atlantique, un des deux derniers delphinariums français. Un ‘’carnet rose’’ dont il n'y a pas lieu de se réjouir : les deux cétacés sont promis à une vie de captivité car ne pouvant pas survivre en milieu sauvage. Une vie par ailleurs raccourcie, les dauphins vivant en moyenne entre 40 et 60 ans en liberté selon les espèces, là où ils dépassent rarement 25 ans en captivité. Quant au parc,  il devra cesser d’exploiter le delphinarium : l’article L. 413-12.II du code de l’environnement interdit en effet détention et reproduction des cétacés, pour une entrée en vigueur en décembre 2026.

Des dérogations problématiques

Dès lors, comment ces naissances ont-elles été possibles ? C’est en réalité dans les termes de la loi portant l’interdiction en question que se trouve l’explication. Y sont prévues deux dérogations à l’interdiction de détention et de reproduction : une pour les refuges et sanctuaires (où la reproduction est cependant interdite) ; une « dans le cadre de programmes scientifiques dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la protection de la nature », cadre dans lequel la reproduction est autorisée (l’arrêté n’a pas encore été publié). 

C’est cette dernière dérogation dans laquelle « Planète vivante » estime s’inscrire. Le parc semble particulièrement confiant dans le fait d’en bénéficier, puisque son directeur scientifique (Martin Böye) a affirmé à « Presse Océan » que « Planète Sauvage » relevait de la dérogation susmentionnée. Le delphinarium est en effet associé au laboratoire CNRS « EthoS » (situé à Rennes) pour la réalisation de certaines recherches en éthologie. Pour autant, tant que l’arrêté ministériel n’est pas publié, rien ne permet d’être absolument certain que le delphinarium relève bien de la dérogation.

 

La loi doit être appliquée, et ces naissances ne facilitent pas les choses.

Loïc Dombreval, ancien député (LREM)

Surtout, celle-ci n’a pas été prévue pour contourner la loi du 30 novembre 2021 qui a introduit l’interdiction en cause. Joint par 30millionsdamis.fr, Loïc Dombreval, ancien député et rapporteur général du texte à l’Assemblée nationale, le rappelle : « L’esprit de la loi est de mettre fin à la captivité des cétacés dans les delphinariums, les dérogations ne doivent pas être utilisées pour se détourner de cet objectif. » Il souligne toutefois que l’interdiction de reproduction n’est pas forcément simple à faire appliquer : « Je ne suis pas spécialiste, mais il semble que les produits contraceptifs soient parfois mal tolérés par les femelles, et il peut être difficile de séparer les mâles des femelles. »

De même, il reconnaît que la question de la faune sauvage captive a été un point très complexe des discussions sur le texte de loi, ce qui explique la rédaction finale. Pour autant, l’ancien député des Alpes-Maritimes estime que ces naissances « peuvent être prises comme une forme de provocation du point de vue de l’ancien législateur [qu’il a] été, comme de celui des services de l’Etat : la loi a été votée, elle doit être appliquée et qu’il y ait de nouvelles naissances dans un delphinarium ne simplifie pas les choses ».

Des naissances regrettables

La façon dont le parc a communiqué autour de ces naissances semble d’ailleurs très éloignée d’un quelconque intérêt scientifique. L’évènement a en effet été annoncé quelques jours avant sa réouverture (le parc n’ouvre pas toute l’année), ce qui à l’évidence s’apparente plus une visée commerciale… que scientifique.

 

Les directeurs de delphinariums se trompent de voie.

Christine Grandjean, présidente de l'association "C'est assez!"

Christine Grandjean, présidente de l’association « C’est Assez ! », jointe par 30millionsdamis.fr, déplore fermement ces naissances : « Ça veut dire que le parc n’a pas l’intention d’arrêter l’activité, il va aller vers la recherche pour pouvoir continuer et, même si c’est vrai que la contraception a des effets secondaires, c’est aussi le cas de ces naissances : il faudra séparer les petits de leur mère, ils vivront leur vie entière dans un environnement stressant, qui rend les animaux agressifs…» Selon elle, certains « directeurs de delphinariums [sont] sincères, mais se trompent de voie ; ce qu’on voudrait, c’est qu’ils se mettent en lien avec les associations pour être des acteurs de la réhabilitation des cétacés, en milieu marin, sans spectacle et avec de meilleures conditions de vie ».

Ch. Grandjean fustige aussi l’inertie des services de l’Etat, qui n’ont toujours pas publié les décrets d’application, mettant en péril le devenir de ces cétacés : « On parle de l’automne 2023, ce qui laisse quand même beaucoup de temps pour avoir des naissances [les dauphins ont une durée de gestation d'environ 12 mois, NDLR], alors même que les delphinariums sont surchargés dans toute l’Europe, ce qui induit un risque de voir des cétacés transférés dans des pays où la législation ne prévoit rien en termes de bien-être. Or les bassins de Planète sauvage sont trop petits pour accueillir autant d’individus, ils vont devoir se séparer de certains dauphins. »

L’interdiction doit être anticipée

« Planète Sauvage », qui existe depuis 1994 et appartient depuis 2019 à un fonds souverain propriété de l’émirat d’Abou Dabi, a connu quelques polémiques. Un delphineau y était notamment mort, en 2015, suite à une bagarre entre sa mère et une autre femelle, évènement dont les spécialistes affirment qu’il est très rare en milieu naturel.

La Fondation 30 Millions d’Amis appelle à ce que l’esprit de la loi visant à lutter contre la maltraitance animale soit respecté, et que les delphinariums anticipent une interdiction désormais inéluctable.